Mais au fait, l’énergie, c’est quoi ?

Énergie verte. Fossile. Renouvelable, ou pas. Défi énergétique. Crise énergétique… Des mots que nous entendons tous les jours. C’est peu dire que l’énergie est un problème capital pour l’humanité ! Pétrole et charbon firent naître des empires ; ils pourraient aussi causer leur perte… Mais de quoi parlons-nous exactement ? Quelle est cette “énergie”, si convoitée, si puissante, et si dangereuse ?

Finalement l’énergie, c’est comme le temps. Nous croyons savoir de quoi il s’agit, c’est évident. Mais quand on nous demande de l’expliquer, on ne le sait plus !

Alors dans cet article nous allons reprendre les bases. Pour y voir clair. Envisager des vraies réponses et ne plus se laisser tromper par les bonimenteurs… Mais aussi pour s’émerveiller. Car l’énergie est l’un des concepts les plus étranges et les plus fascinants de la physique moderne – il nous emmènera, même, aux portes de la mystique…

Histoire d’un concept

Le mot “énergie” apparaît très tôt, dès l’Antiquité grecque. Mais pendant longtemps sa définition reste vague. On associe l’énergie à la force, la puissance, la capacité à vaincre l’inertie… Ce n’est qu’à partir du XIXe siècle, avec la révolution industrielle, que les scientifiques s’intéressent de plus près au concept.

On comprend alors qu’il existe plusieurs formes d’énergie : cinétique, thermique, électrique… Et la définition de l’énergie, en tant que telle, se précise. On définit l’énergie comme la capacité d’un système à modifier son état, à produire des transformations – par exemple à produire du mouvement, de la chaleur, ou de la lumière.

Surtout, on comprend que l’énergie est une grandeur qui se conserve ; elle ne peut pas disparaître, ni être détruite, ni véritablement « consommée ». C’est, à peu de choses près, ce que dit le Premier Principe de la Thermodynamique. Par exemple, imaginons une petite lampe sur un vélo.

– Pour s’allumer, la lampe utilise de l’énergie électrique envoyée par la dynamo ;

–  dynamo qui tient son énergie des mouvements de la roue qu’entraîne le cycliste (énergie mécanique) ;

– cycliste qui tient son énergie des spaghettis qu’il a digérés plus tôt (énergie chimique) ;

– spaghettis faits à base de blé dont la croissance est due à la lumière du Soleil (énergie électromagnétique) ;

– Soleil qui demeure brillant et chaud grâce à l’activité de son noyau (énergie nucléaire).

D’un bout à l’autre, depuis la petite lampe jusqu’au noyau du Soleil, c’est la même quantité d’énergie qui s’est simplement transformée. Incroyable, non ?

Le soleil est une source d'energie

Aucune source d’énergie n’est infinie. Le Soleil, lui, devrait s’éteindre dans 5 milliards d’années.

Cependant, il ne faudrait pas voir l’énergie comme une sorte de “fluide”, omniprésent, qui passe de corps en corps. Il faut voir l’énergie comme une chose vraiment abstraite, une propriété de la matière. D’ailleurs, l’énergie est une notion relative. Elle dépend du contexte : où l’on se trouve, à quelle vitesse on se déplace… Par exemple, prenez une bille de plomb. Posée, là, sur votre bureau, elle ne possède pas vraiment d’énergie. Mais vue de plus loin, cette bille de plomb se trouve sur la planète Terre, et cette planète tourne autour du Soleil à 30 kilomètres par seconde. De ce point de vue, la bille possède tellement d’énergie qu’elle pourrait faire de gros dégâts !

1905 : Einstein découvre une nouvelle forme d’énergie

Reprenons l’exemple de notre bille de plomb. Nous venons de dire que son énergie était nulle. En fait, c’est faux. Même au repos, la bille possède une énergie. Et même une quantité phénoménale d’énergie potentielle. Mais il fallut attendre Einstein pour le comprendre. La formule mathématique de cette énergie, vous la connaissez déjà. C’est la formule la plus célèbre de toute la physique : E=MC2

E=mc2 formule de l'energie

Une équation très simple… aux implications spectaculaires.

  • E est la quantité d’énergie.

  • M est la masse de l’objet.

  • C est la vitesse de la lumière.

Cette énergie, on l’appelle “énergie de masse”. Et si l’on y réfléchit deux minutes, cette équation postule quelque chose d’extraordinaire : l’équivalence entre la masse et l’énergie. Dans le fond, la matière et l’énergie, c’est un peu la même chose. Vous, moi, la bille de plomb, l’univers tout entier : tout ça, c’est de l’énergie.

Si la matière et l’énergie sont deux faces d’une même pièce, il serait donc possible de faire “disparaître” de la matière pour la transformer en énergie… Vous croyez que c’est dingue ? Pourtant, c’est exactement ce qui se produit avec l’uranium des centrales nucléaires. À l’inverse, il est possible d’utiliser de l’énergie pure pour faire apparaître de la matière à partir de rien… Incroyable ? Et pourtant, avec beaucoup d’énergie, les physiciens savent créer des particules toutes neuves, pouf, comme ça : cela s’appelle la Création de Paires.

Voilà de quoi donner quelques nuits blanches au métaphysicien qui sommeille en vous…

Maintenant nous savons précisément ce qu’est l’énergie. On se rend compte alors que, dans notre vie quotidienne, nous parlons rarement de l’énergie en tant que telle. Bien souvent, le “mot” énergie désigne autre chose :

  • Soit le secteur économique de l’énergie – les gisements, les centrales, les câbles et les tuyaux…

  • Soit les sources d’énergie, dont nous allons parler dans le paragraphe suivant.

  • Ou encore, dans les discours spiritualistes et new-age, une sorte de fluide bizarre, qui passe dans les êtres et les choses (massages énergétiques, médecine énergétique, etc cetera) ; mais cela n’a rien à voir avec les sciences physiques. Notons que si les gourous et les guérisseurs adorent évoquer cette “énergie”, certains philosophes adoptent le même vocabulaire ambigüe. Ainsi, Bergson, en 1919, publia un essai nommé L’énergie spirituelle… Bergson était pourtant le contemporain d’Einstein, et les deux hommes ont même correspondu par lettres !

Quel problème pose l’énergie ?

Récapitulons. L’énergie est abondante, elle est partout, elle est même TOUT, et théoriquement, tout peut devenir une source d’énergie. De plus, la Thermodynamique nous dit que l’énergie peut se transformer, mais pas se créer, ni se détruire… Alors, où est le problème ? Pourquoi ne trouve-t-on pas de l’énergie gratuite à l’infini ?

Le fait est que toutes les sources d’énergie ne se valent pas. Nous ne savons pas exploiter la plupart d’entre elles – par exemple, personne ne sait comment exploiter l’énergie que possède la bille de plomb au repos.

En revanche, nous maîtrisons l’énergie mécanique, électrique et chimique : on parle dans ce cas d’énergies nobles. C’est à dire que nous savons les transporter, les transformer, sans trop de pertes… Mais c’est là que le bas blesse : il y a toujours un peu de perte. Le rendement à 100 % n’existe pas. En général, la perte s’effectue sous forme de chaleur… Bien sûr, il existe des manières d’exploiter la chaleur. C’est ce que font, par exemple, les centrales géothermiques. Mais les rendements sont faibles. Ce genre de centrales n’échappe pas à la malédiction : elles aussi perdent de la chaleur. Il faudrait donc, derrière chaque centrale géothermique, une seconde centrale qui récupère les pertes de la première, puis une troisième centrale, et ainsi de suite…

Machine à mouvement perpétuel

Pendant des siècles, les inventeurs ont rêvé d’une machine à “mouvement perpétuel”, qui fonctionnerait de manière autonome, sans apport d’énergie. Une telle machine ne peut pas exister car elle perd toujours de l’énergie (par frottement surtout).

Le problème fondamental de la chaleur, c’est qu’il s’agit d’une énergie trop désordonnée ; elle se dissipe dans les matériaux, dans l’atmosphère ; une partie s’en va même dans l’espace… On dit que la chaleur est une énergie dégradée. Pour nous, elle est globalement perdue.

Pour l’illustrer, reprenons notre exemple précédent. Le cycliste fournit un effort, mais à cause des frottements de l’air et des mécanismes du vélo, son effort se dissipe en partie sous forme de chaleur. De même, la digestion des spaghettis génère de l’énergie, mais produit aussi de la chaleur. Et ainsi de suite. Pour les moteurs à explosion (ceux de nos voitures), entre 50 et 65 % de l’énergie se dissipe sous forme de chaleur ; le reste se transforme en énergie mécanique (qui, à son tour, produira de la chaleur, et ainsi de suite). Les hydrocarbures sont donc des sources d’énergie très peu efficaces !

L’énergie parfaite n’existe pas

Il y a donc des sources d’énergie crédibles, et d’autres pas. Nous sommes armés, à présent, contre les marchands d’illusions et les discours pseudo-scientifiques évoquant “l’énergie parfaite”…

Un exemple ? Le 30 juin 2020, le philosophe Yves Roucaute s’exprime en direct sur le plateau de LCI. Il s’adresse “aux obscurantistes” (c’est à dire, pour lui, les écologistes) de la manière suivante : “Ils n’ont aucune culture physique. Ils ne savent pas ce que sont les quarks et les leptons. Ils ne savent pas qu’en réalité, l’énergie est absolument inépuisable.” Difficile de savoir, ici, à quoi le philosophe fait référence. Probablement quelques études extrêmements hypothétiques, selon lesquelles on pourrait utiliser les quarks ou les leptons (des particules très petites) à la place des atomes d’hydrogènes dans nos centrales. Toujours selon la fameuse équation E=MC2, la masse de ces petites particules serait convertie en énergie. Mais ces technologies sont tellement improbables qu’elles ne sont aujourd’hui que des “curiosités scientifiques”, et aucun programme de recherche ne les prend vraiment au sérieux. Enfin, même si cette source d’énergie serait abondante, concrètement, elle ne serait pas “absolument inépuisable” puisque les quarks et les leptons disparaîtraient dans le processus. Yves Roucaute essaye donc de mystifier les téléspectateurs.

Nous l’avons vu, la physique nous interdit d’espérer une énergie qui serait illimitée, et dont le rendement serait de 100 %. Mais elle n’empêche pas de chercher des énergies plus propres et plus efficaces. Dans cette quête, nos meilleures théories pourront nous éclairer et nous servir de guides… à condition de ne pas les extrapoler !

Benjamin

concepteur-rédacteur

Publié le 23 juillet 2020

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