L’eau, un bien commun rare et précieux

« Une goutte d’eau suffit pour créer un monde », écrivait Gaston Bachelard. Certes, mais avec le réchauffement climatique et la croissance démographique mondiale, il en faut beaucoup plus pour subvenir à nos besoins. L’eau est une ressource vitale aujourd’hui surexploitée et surconsommée. Comment gérer cet or bleu de façon durable ? Plongeons ensemble dans le grand bain.

L’eau, c’est la vie

Sacré paradoxe que celui de l’eau. Elle recouvre 72% de la Terre – d’où le petit nom de “planète bleue” donné à cette dernière – et pourtant c’est une ressource rare. Car seule une toute petite partie de l’eau est disponible et utilisable directement par les humains. L’eau douce ne représente que 2,8% de l’eau sur Terre. Et seul un quart de cette eau douce se trouve dans des réservoirs accessibles – lacs, rivières, nappes phréatiques – tandis que les trois quarts restants sont figés dans des glaces et neiges permanentes, ou enfouis à des profondeurs inatteignables.

Ainsi, l’eau utile pour la consommation ou l’agriculture représente moins de 1% de l’eau présente sur Terre.

Cette eau douce “utile” se divise en trois catégories selon son origine :

🌱 L’eau verte : grosso modo l’eau de pluie, qui s’infiltre dans le sol et est récupérée par les plantes.

💧 L’eau bleue : qui vient des rivières, des aquifères (rivières souterraines) et de lacs

⚗️ L’eau grise : issue des eaux usées partiellement purifiées

Bonne nouvelle alors cette fonte des glaces ? Et bien non, pas du tout. Si la quantité d’eau sur Terre ne varie pas, l’eau douce propre n’est, elle, pas une ressource infinie. Considérée comme un facteur de production au même titre que la main d’œuvre, le capital ou la terre, elle est aujourd’hui sur-consommée, gaspillée à tous les niveaux et elle ne se renouvelle pas suffisamment pour assurer des réserves durables.

La fontaine de Vaucluse, source de la Sorgue, et plus importante exsurgence de France métropolitaine. © Artur Aldyrkhanov

Il me faut de l’eau, de l’eau !

70 % de l’eau douce utilisée dans le monde est destinée à l’agriculture. Ce chiffre monte jusqu’à 90 % dans certains pays en voie de développement, avec l’extension des terres cultivées et des superficies irriguées pour subvenir aux besoins d’une population mondiale croissante et dont le régime alimentaire carné est très gourmand en eau. Notons qu’il faut une tonne d’eau pour produire un kilo de céréales, et quatre à onze fois plus pour produire un kilo de viande !

20% de l’eau douce disponible est utilisée par l’industrie. La moitié de cette eau sert à la production de notre énergie : refroidissement des réacteurs, production d’énergie hydroélectrique,… l’autre moitié sert aux autres secteurs industriels (textiles, bâtiment, etc), qui sont aussi demandeurs d’énergie. L’eau et l’énergie sont donc inextricablement liées, mais contrairement aux sources d’énergie, l’eau n’est pas substituable.

Les 10% d’eau douce “utile” restants servent à nos besoins domestiques, qui sont très disparates à travers le monde. Un Nord-Américain consomme en moyenne 700 litres d’eau par jour, contre 150 L pour un Français et seulement 30 L par habitant en moyenne en Afrique… Au global, la consommation mondiale d’eau à usage domestique a augmenté de 600% depuis les années 1960 avec l’augmentation de la population.

Pour essayer de mesurer notre impact individuel sur les ressources en eau douce, il faut ajouter à cette utilisation domestique moyenne ce qu’on appelle “l’eau virtuelle”, c’est-à-dire l’empreinte hydrique de tout ce que l’on produit et que l’on consomme : nourriture, boissons, vêtements, etc. et qui pèse majoritairement dans la balance.

Le Pont du Gard, solide preuve que les Romains se préoccupaient déjà de leur accès à l’eau potable. © Xuan NGuyen

L’eau virtuelle ?

Derrière cet oxymore se cache toute la complexité de la gestion globale de cette ressource commune qu’est l’eau. Si les habitants de la Creuse se sont bien rendus compte que leurs robinets étaient à sec lors de la canicule de 2019, le lien entre un steak frites et les réserves en eau douce est beaucoup moins visible par nous autres gourmands consommateurs.

L’eau virtuelle ou empreinte hydrique correspond à la quantité d’eau polluée ou consommée pour fabriquer un produit tout au long de son cycle de vie. Et les chiffres sont hallucinants !

Dans un passionnant dossier sur l’eau du Courrier International paru à l’été 2020, on apprend que l’empreinte hydrique d’un hamburger est de 2800 L d’eau douce, et que si on prend le menu avec un coca, cela équivaut à 36 baignoires. En effet, il a fallu faire pousser des céréales pour nourrir une vache, qui donnera un steak, mais aussi du blé pour fabriquer du pain brioché, et de la salade… jusqu’au bel emballage plastique dont la fabrication demande aussi de l’eau propre. De même, derrière un verre de vin se cachent 110 L d’eau, 160 L pour une banane, 1700 L pour une tablette de chocolat… Quand on sait que près de 30% des aliments que l’on produit finissent à la poubelle, on a vraiment l’impression de jeter de l’eau par la fenêtre !

Et l’alimentation n’est pas la seule sur-consommatrice d’eau douce. L’industrie textile n’est pas en reste : il faut près 2500 L d’eau pour produire une chemise en coton, que l’on mettra peut-être juste une fois pour le mariage de sa petite cousine. Bref, il est temps de repenser nos modes de consommation, car les ressources ne sont pas infinies.

Plus on épuise nos ressources, plus il va devenir difficile et coûteux d’avoir accès à de l’eau potable, car il faudra aller la chercher plus loin ou davantage la traiter. Et le dérèglement climatique vient nous rappeler combien il est important de ne pas la gaspiller et donc d’en avoir une gestion durable.

Quand on voit toute l’eau qui nous entoure, c’est dur d’imaginer qu’on va en manquer ! Et pourtant… © Michel La Beaume

C’est le stress… hydrique

Les ressources en eau douce utile ne s’épuisent pas partout de la même façon et au même rythme. Certaines régions sont davantage soumises que d’autres au stress hydrique – lorsque la demande en eau dépasse les ressources disponibles (souvent évalué à <500m3 d’eau propre disponible par habitant et par an) – et les variations saisonnières sont de plus en plus marquées. En effet, les précipitations hivernales tendent à se réduire, ce qui ne permet plus de bien recharger les nappes phréatiques.

De plus, la disparition de la moitié des zones humides naturelles (marécages, marais, mangroves, etc) au cours des cent dernières années nous prive de ces écosystèmes régulateurs d’humidité.

En France, les épisodes de sécheresse – déficit en eau affectant les sols, la faune, la flore et les activités humaines – se multiplient et s’intensifient. En 2019, treize départements ont subi des ruptures d’approvisionnement de longue durée et 89 ont dû mettre en place des mesures de restriction d’usage de l’eau (arrosage, piscine, etc). Selon Météo France, le risque de sécheresse en France va augmenter, avec une réduction des débits annuels des cours d’eau de 10 à 40% et des nappes phréatiques de 10 à 25%.

Dans le monde, près de 40 % de la population manque d’eau douce. Et selon les Nations Unies, ce stress hydrique pourrait concerner les deux tiers de la population mondiale d’ici 2025.

L’agriculture est une des victimes les plus visibles de ces bouleversements climatiques, dont elle est en partie responsable, par son irrigation incontrôlée et ses pollutions des sols. Les conflits pour l’eau, d’usage (agriculteurs, industriels, particuliers, etc.) et diplomatiques (par exemple entre l’Éthiopie et l’Égypte au sujet d’un méga barrage sur le Nil), se multiplient à travers le monde.

Il est urgent d’encadrer au niveau mondial l’utilisation de l’eau, cette ressource commune vitale, aujourd’hui fragilisée par le réchauffement climatique, mais aussi sa surexploitation et sa surconsommation.

Eau du robinet

© Luis Tosta

Mieux gérer l’eau, bien précieux

Une meilleure gestion de l’eau douce dans le monde doit s’opérer à tous les niveaux.

🌍 Au niveau des États : par des politiques internationales équitables et le financement de la recherche et du développement technologique pour mesurer et faire des économies d’eau.

🏔️ Au niveau des territoires : par une gestion performante adaptée aux ressources disponibles et un partage durable entre les usagers.

🚜 Au niveau des entreprises industrielles et agricoles : par une réduction de leur consommation et une prise en compte de leur impact environnemental dans le modèle d’affaires au même titre que le profit économique.

👪 Et au niveau des individus : par des gestes simples pour économiser cet or bleu. Couper l’eau pendant qu’on se brosse les dents peut paraître dérisoire à côté de la mobilisation pour sauver les zones humides de la forêt brésilienne ou de la recherche sur la désalinisation de l’eau de mer. Mais “les petits ruisseaux font les grandes rivières” (on ne pouvait pas y couper !).

Ainsi, installer des mousseurs d’eau sur ses robinets, préférer une douche a un bain, choisir un lave-vaisselle performant, traquer les fuites dans sa cuisine ou sa salle de bain, récupérer l’eau de pluie pour le jardin, sont autant de gestes simples, à la portée de tous, pour faire des économies d’eau pour la planète, mais aussi pour votre portefeuille !

De plus, tout comme vous faites attention à l’empreinte carbone de votre alimentation, de votre électricité ou de vos moyens de transport, que pensez-vous de commencer à considérer l’empreinte eau de vos achats ?

Source : ADEME

Mathilde

Publié le 10 mars 2021

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