Kiki consomme le moins ? – Episode #2 : la chaussette

Quand le vêtement sape l’environnement. Vous aimez la nature. Vous êtes POUR la nature. Sinon, vous ne seriez pas sur ce site, n’est-ce pas ? Vous triez probablement vos déchets, vous prenez les transports en commun, vous soutenez les énergies renouvelables… Et c’est très bien. Mais vos chaussettes, dans tout ça ? Avez-vous seulement pensé à l’impact écologique de vos chaussettes ? La question peut sembler stupide, et pourtant : le textile est la deuxième industrie la plus polluante au monde, derrière celle du pétrole… Ça jette un froid, non !? Et c’est le comble, pour des chaussettes…

Même plus blanc que blanc, le linge n’est pas innocent…

Le monde du vêtement génère chaque année entre 3% et 10% des émissions de C02 mondiales – soit quelque chose comme 1,2 ou 1,7 milliards de tonnes. C’est plus que le secteur maritime et aérien combinés. Ce problème n’est pourtant presque jamais abordé, ni par les politiques, ni par les médias, ni dans les conversations quotidiennes… Et le temps presse, car la demande de vêtements continue de croître ! La production mondiale de vêtement était de 62 millions de tonnes en 2015 ; on estime qu’elle devrait atteindre, d’ici 2030, les 102 millions de tonnes ! Nous autres, Françai·se·s, donnons le mauvais exemple, puisque nous consommons en moyenne déjà 9 kilos de vêtements par an…

Côté pollution, l’industrie textile se montre assez polyvalente, puisqu’elle consomme énormément d’eau, de produits chimiques et de matières premières. De plus, elle génère quantité de microplastiques – nous y reviendrons. Et bien sûr, elle coûte de l’énergie. Beaucoup d’énergie ! Et c’est sur ce point que nous insisterons le plus dans notre article…

Pour comprendre le problème, suivons tout le cycle de vie de nos vêtements. Depuis leur naissance jusqu’à leur mort. Bref. Accrochez-vous. On embarque pour l’odyssée de la chaussette.

Coton ou synthétique ?

La majorité (63%) de nos vêtements sont faits en plastique. Polyester, acrylique, nylon… Ce sont des dérivé du pétrole. Du point de vue de la planète, donc, il n’y pas de différence entre un placard rempli de t-shirts et un plein de voiture – puisque 1,5 kilos de pétrole sont nécessaires pour confectionner 1 kilo de polyester.

Quand ils ne sont  pas en fibres synthétiques, nos vêtements sont le plus souvent en coton – pour 26% d’entre eux. Dans ce cas, pourrions-nous dire, c’est du naturel, et donc, forcément, c’est meilleur pour l’environnement… Et pourtant les calculs sont compliqués. En effet, si le coton est très léger, il faut énormément d’énergie pour le récupérer dans les champs, puis le transformer, le tisser… Dans les pays où l’industrie du coton est importante, l’énergie de base sera le charbon. Au final le résultat fait peine à entendre : une chemise en coton nécessite en général, pour être produite, douze kilos de charbon

Alors, le tissu commence à peser lourd sur nos épaules, n’est-ce pas ? Et pourtant. Ce n’est que le début.

Moissonneuse

La récolteuse à coton : un monstre dont le réservoir dépasse les 700 litres de carburant.

Le poids de la fabrication

Qu’elle soit synthétique ou naturelle, la fibre textile va subir toutes sortes de transformations en usine. Il faut lui donner de la texture, de la couleur… Ces “procédés d’ennoblissement” sont très gourmands en énergie, au point que l’ADEME a consacré un dossier entier à la question pour comprendre si des économies étaient réalisables.

Les procédés d’ennoblissement sont généralement des traitements thermiques, ou des “bains” de traitement et de teintures qui contiennent des métaux lourds, comme le nickel, le chrome, le plomb… Ces bains nécessitent, par ailleurs, de pomper de grandes quantités d’eau ; un simple t-shirt en coton “coûte” environ 2 800 litres d’eau, tandis qu’un jean coûte entre 7 000 et 10 000 litres. Les vêtements sont ensuite séchés, puis tissés dans des machines qui peuvent fonctionner avec de l’air comprimé pour plus de productivité – sauf que la compression de l’air exige, elle aussi, de grandes quantités d’énergie. Enfin, les usines doivent toujours être ventilées et, bien sûr, éclairées. Au final, en terme d’énergie, un rapport du Laboratoire national Lawrence-Berkeley estime que le textile représente 4% de l’industrie en Chine, et 2% aux Etats-Unis.

Si l’industrie textile épuise nos ressources énergétiques, il faut aussi dire un mot des hommes et des femmes qu’elle épuise tout autant. En effet, le vêtement est l’archétype du produit peu complexe que les grandes marques font produire à bas coût dans des pays du Sud, fermant les yeux sur le travail des enfants (tout le monde se souvient de l’affaire Nike), les sweatshops et les salaires de misère… Par exemple, au Bengladesh, la confection représente 80% des exportations du pays ; sans surprise, les travailleurs bangladais sont toujours parmi les moins payés du monde…

machine à tisser

Le tissage est généralement assuré par de grosses machines à air-comprimé.

La chaussette piétine la planète…

Notre paire de chaussettes est enfin sortie d’usine ! Et pourtant, son oeuvre de destruction massive ne fait que commencer.

D’abord, le vêtement doit être livré. C’est-à-dire qu’il va prendre l’avion, le bateau, le camion, pour traverser des milliers de kilomètres – la plupart du temps. La note est encore plus salée (et plus absurde) quand on prend en compte les kilomètres qu’ont souvent parcourus les vêtements au moment même de leur confection, passant d’une usine à l’autre, sur plusieurs continents… Par exemple, Pietra Rivoli décrit dans son livre le chemin parcouru par un simple t-shirt, fait de coton texan, transformé en chine, puis réimporté aux USA pour être imprimé, conditionné, avant d’être ré-exporté dans le monde entier… Au final, avant même d’être vendu, notre t-shirt a parfois parcouru plus de 40 000 km, soit plus qu’un tour du monde ! Au cours de son voyage, il aura émis 5 kilos de carbone, soit 20 fois son poids.

Bon. Mais une fois que le vêtement est plié, sagement rangé dans le placard, il cesse de polluer n’est-ce pas ? Eh bien… Non, toujours pas. En fait, un tiers de son empreinte écologique va justement se faire chez vous, dans le secret de votre buanderie… Car il va falloir laver votre vêtement, des dizaines voir des centaines de fois ; peut-être allez-vous même le passer au sèche linge et le repasser de temps en temps… Et tout cela consomme énormément d’énergie.

Par ailleurs, c’est au moment du lavage que les vêtements perdent leurs microplastiques (évoqués plus haut). Ainsi, 35% des microplastiques rejetés dans les océans seraient passés par votre machine à laver…

Notre article touche à sa fin : nos maudites chaussettes arrivent presque au bout. Le bout de leur existence de chaussette.  Mais en disparaissant, elles vont encore causer un dernier méfait… Car la plupart des gens ne trient pas leurs vêtements ; en France, seuls 3,2 kilos de vêtements seraient collectés, chaque année, pour chaque habitant·e (le tiers, donc, des vêtements vendus). Ainsi, dans l’industrie textile, seulement 13% de la matière première finit recyclée, tandi que 73% termine sa course sous terre dans les décharges, ou dans la cendre des incinérateurs… Piètre bilan !

Pollution

60% des Français ont des vêtements qu’ils ne portent jamais. Et pourtant. Ils continuent d’acheter et de jeter, tous les ans…

Se réconcilier avec la chaussette

Cet article vous a probablement donné l’envie de vivre nu. De retrouver l’innocence, sans plus jamais porter de vêtement. C’est évidemment une solution radicale au problème. Mais avant que le monde entier n’adopte le naturisme, Octopus Energy vous propose quelques idées concrètes pour continuer à vous vêtir d’une manière plus verte et plus durable :

  • Méfiez vous des fausses économies ! Toutes les chaussettes ne se valent pas… Globalement, les produits bas de gamme et les marques de grande conso devraient être évitées… Bien sûr, cela coûte peut être un peu plus cher au départ. Mais normalement, un vêtement de qualité doit se garder des années, voir toute une vie ! L’investissement sera vite rentabilisé.

  • Choisissez bien vos marques. Plein de jeunes poussent apparaissent, comme Loom et leurs vêtements durables “slow-fashion”, ou Hopaal qui n’utilise que des tissus recyclés… Bref, ça bouge. Encourageons-les.

  • Ne cédez pas aux diktats de la mode ! Rien ne sert de changer votre garde-robe tous les ans. C’est du gaspillage encouragé par le marketing… Chaque fois que vous achetez “le dernier truc à la mode”, rappelez-vous qu’une autre tendance l’aura supplanté d’ici quelques mois… Cela n’en vaut pas la peine.

  • Lavez vos vêtements à basse température (cela consomme moins d’énergie), et privilégiez le séchage naturel, sans sèche-linge… En plus, comme ça, vos vêtements dureront plus longtemps ! Une pierre, deux coups.

  • Du côté des usines (qui sait – vous travaillez peut-être dans ce secteur), il existe aussi de nombreux moyens d’économiser de l’énergie. Dans son rapport, l’ADEME estime qu’il suffirait d’optimiser les processus de transformation pour faire des économies significatives : jusqu’à 30% sur les systèmes d’air comprimé, jusqu’à 20% sur les systèmes motorisés, et jusqu’à 7,5% sur les ventilations.

Alors, on adopte les bons réflexes ? Et puis avec l’hiver qui revient, il faudra bien trouver des compromis… Le plus tôt sera le mieux !


Si vous avez aimé notre article, découvrez les autres épisodes de la série « Kiki consomme le moins » !

Benjamin

concepteur-rédacteur

Publié le 21 septembre 2020

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