COP 26 à Glasgow : la montagne accouche-t-elle d’une souris ?

Alok Sharma est un homme politique britannique, membre du gouvernement Johnson en qualité de secrétaire d’État. Cet automne, il présidait la COP 26, et c’est à lui qu’est revenu l’honneur de présenter l’accord final, intitulé “Pacte de Glasgow”. Le moins que l’on puisse dire, c’est que monsieur Sharma n’a pas versé dans l’effusion de joie. Au contraire, c’est avec une voix tremblante et les yeux mouillés qu’il s’est dit “profondément désolé” par la faiblesse du compromis.

Et la salle ? Elle répondit par un tonnerre d’applaudissements.

Mais l’accord arraché ce samedi 13 novembre était-il vraiment “à pleurer” ? N’y a-t-il rien à sauver ? Nous permettra-t-il de contenir le réchauffement à 1,5° – limite que les climatologues nous exhortent à ne pas dépasser ? Retour sur la dernière COP – et pas la dernière !

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COP 26 : un accord laborieux avec peu de nouveautés

La 26e. C’est déjà la 26e Conférence des Parties des Nations unies sur le changement climatique. Et bizarrement, nous parvenons encore à être surpris·e·s – pas dans le bon sens…

Les journalistes se sont par exemple étonné·e·s de voir les lobbyistes des énergies fossiles présents en masse pour défendre leurs intérêts. Les climatologues, eux, étaient inquiet·e·s, perturbé·e·s de voir que l’heure était encore aux discussions policées tandis que la maison brûle. Jeff Bezos, le patron d’Amazon, a fait le déplacement en jet privé pour annoncer un don de 2 milliards de dollars visant à “réparer la nature”. Et pendant ce temps, alors même que tout le monde sait exactement ce qu’il faut faire (arrêter les énergies fossiles), la consommation mondiale de charbon présente une forte croissance et dépasse son niveau d’avant la pandémie. Bref : nage-t-on en plein n’importe quoi ?

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Un accord non contraignant pour les pays

Comme chaque année, les négociateur·ice·s de près de 200 pays ont accouché d’un accord dans la douleur… Et le résultat n’est pas brillant. L’accord ne promet pas de limiter le réchauffement à 1,5° – au moment même où la planète se trouve, selon l’ONU, sur une trajectoire catastrophique la menant vers 2,7° de réchauffement (par rapport à l’ère préindustrielle).

Reste une liste impressionnante de recommandations tous azimuts : développer le solaire, diminuer les émissions de méthane de 30%, changer les pratiques agricoles pour préserver les écosystèmes, reboiser le Sahara… Le texte appelle également les États à relever leurs engagements en matière de réduction de gaz à effets de serre (notamment par rapport aux engagements pris pour l’accord de Paris). Bref : les bonnes intentions ne manquent pas.

Sauf que… ce sont seulement des recommandations. Le texte n’est pas contraignant pour les États, ni pour les entreprises. Aucune sanction n’est prévue pour ceux qui ne tiendraient pas leurs engagements. Et comme si cela ne suffisait pas, l’accord prévoit des échappatoires officielles. Par exemple, certains États pourront bénéficier d’aménagements pour “circonstances nationales particulières”… Un terme flou qui devrait faire les affaires d’à peu près tout le monde. Les champions du pétrole et du charbon peuvent dormir sur leurs deux oreilles.

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COP 26 : des changements de dernière minute en cause ?

La Chine et l’Inde, en particulier, sont accusées d’avoir affaibli l’accord avec des négociations tardives. Un mot, notamment, aurait été changé : la “sortie” des énergies fossiles serait devenue “la réduction”. Pour autant Jennifer Morgan, la patronne de Greenpeace International, estime que s’ils “ont changé un mot”, ces deux pays “ne peuvent pas changer le signal donné par cette COP : l’ère du charbon touche à sa fin”.

Un optimisme que ne partagent pas tous·tes les observateur·ice·s, notamment parce que l’Inde défend le droit des pays en développement à “un usage responsable” des énergies fossiles. Après tout, les pays riches ne se sont-ils pas développés justement grâce à ces mêmes énergies fossiles, qu’ils condamnent aujourd’hui ?

La question est à la fois politique et philosophique ; le parti du climat est-il aussi celui de la justice économique et sociale ? Vous avez quatre heures.

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Un accord qui fait beaucoup de mécontents

Bien sûr, les représentant·e·s politiques du monde entier se sont globalement félicités de cet accord. Boris Johnson parle d’un “grand pas en avant”, tandis que la Commission Européenne croit que Glasgow maintient vivant l’objectif de Paris (ne pas dépasser les 1,5° d’ici la fin du siècle).

Mais en dehors des cercles diplomatiques, s’exprimant avec tact et pour ne fâcher personne, l’optimisme semble moins répandu…

Les pays pauvres et les ONG sont frustrées

Greenpeace parle d’un accord “faible” et “mou”. Greta Thunberg parle d’un “tsunami de greenwashing” et résume l’accord à sa manière sur Twitter : “bla bla bla”.

De plus, aucune enveloppe n’a été prévue pour les pays pauvres, afin de les aider à réduire leurs émissions de CO2, mais aussi de se prémunir contre les conséquences du changement climatique dont ils sont les premières victimes. Les États-Unis, notamment, s’y sont fermement opposés (la France a suivi).

Déjà en 2009, les pays riches s’étaient engagés à verser 100 milliards de dollars par an – mais leur déclaration n’a pas été suivie des faits… On commence à comprendre Greta : “bla bla bla”.

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COP 26 : les scientifiques mis·e·s en valeur… mais pas entendu·e·s

Certes, le rôle de la science a été réaffirmé dans l’appui aux prises de décisions, et les chercheur·e·s s’en réjouissent. Néanmoins, la plupart s’accordent à dire que les engagements pris à Glasgow sont très insuffisants. Les objectifs sont trop vagues, trop difficiles à mesurer, trop étalés dans le temps. Car chaque dixième de degré compte !

Et le consensus est désormais total sur les vraies décisions à prendre : accomplir la transition énergétique, et sortir complètement des énergies fossiles (charbon, gaz, pétrole), car ces énergies constituent le cœur du problème environnemental. En effet, brûler du charbon ou du pétrole revient à brûler du carbone, auparavant stocké dans le sol (et donc inoffensif) pour le relâcher dans l’atmosphère et contribuer directement à l’effet de serre. Le doute, sur ces questions, n’est plus permis… Alors, on passe à l’action ?


La solution ne viendra peut-être pas de la COP 26, ni, malheureusement, de la COP27, mais peut-être d’un mouvement citoyen puissamment déterminé pourrait entraîner avec lui le reste de la société – y compris le monde économique..?

Et puisque l’énergie compte pour une grosse part du problème, le plus simple, c’est encore de vous abonner chez un fournisseur d’énergie verte. Ainsi, vous aurez la garantie que votre énergie ne provient pas de centrales à charbon, à gaz ou à fioul.  Et ça, c’est pas du bla bla bla…


¹Libération, La COP26 infiltrée par plus de 500 lobbyistes du charbon, du gaz et du pétrole, 8 novembre 2021

²Le Monde, Pendant que les prix du gaz flambent, le charbon brûle, 15 octobre 2021

³ Le Point, COP26 : un « pacte de Glasgow » en demi-teinte adopté sur le fil, 13 novembre 2021

⁴Libération, La COP26 accouche d’un «Pacte de Glasgow pour le climat», décrié par les pays pauvres et les ONG, 13 novembre 2021

⁵France Info, A la COP26, la part belle faite aux scientifiques, 10 novembre 2021

Benjamin

concepteur-rédacteur

Publié le 24 novembre 2021

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